I - Récemment, plusieurs meurtres ont eu lieu dans l'enceinte du mur Maria. Des témoins disent avoir entendu le son d'une flûte quelques minutes avant l'agression. Coïncidence?II - En voilà de biens beaux poèmes qui filent dans les recueils et les journaux du mur Sina. Il se dit au détour des ruelles que le nom du poète est inconnu, mais que ses sonnets renferment plus de messages qu'ils ne veulent bien laisser le croire.III - Il parait qu'un restaurant du mur Rose fait des repas à -50% pour les membres du bataillon... Info ou intox ? L'offre semble néanmoins limitée dans le temps...IV - On raconte que la Garnison a mis les bouchées doubles pour nettoyer et réparer l'armement des murs des districts de Maria.V - Il paraît que les soirs de pleine lune, dans l'une des ruelles de Trost, on peut entendre les sanglots d'une femme. Mais lorsqu'on tourne dans la rue pour la rejoindre, ils cessent et la rue est déserte.VI - Il se dit que des bruits très suspects auraient été entendus dans une vieille maison à l'abandon, du côté de Stohess. Certaines rumeurs disent que la famille qui vivait là a été sauvagement assassinée il y a plusieurs années et qu'ils hanteraient encore les lieux ...
La journée avait été bonne pour Béryl. Pas d’accros, un travail bien fait, et surtout terminé. Elle pouvait s’autoriser un moment de détente.
S’occuper de Compote, son cheval, était toujours une partie plaisante. Ça renforçait leur lien. Enfin c’est ce qui lui semblait. La bête se laissait toujours faire, mais il n’y avait pas vraiment de communication entre eux. Aujourd’hui, elle avait prévu un traitement simple. Un petit coup de brossage, une ballade et quelques soins en revenant pour que canasson se sente bien. Il fallait le faire travailler pour qu’il tienne la vitesse et la cadence les jours d’expéditions. Un écart pouvait être fatal.
Elle s’était dirigée vers les écuries, sans expression, sans mot à qui elle pouvait croiser. Elle savait quoi faire, pas besoin d’aide.
Elle tourna dans l’entrée, et percuta quelqu’un sans le vouloir. Pendant que l’autre voix claire lâchait des excuses, Béryl voulait faire de même. Mais lorsqu’elle croisa les pupilles dorées de cette femme. Elle fut percutée par des souvenirs bien plus désagréables.
C’était il y a 4 ans. La première mission en dehors des murs. Béryl ressentait alors une excitation presque malsaine. Autant de travail, d’entrainement, d’acharnement, et elle allait enfin sortir des murs. Elle se sentait frénétique. Avant même d’être sortie elle se sentait pousser des ailes. Elle avait été attribuée dans l’escouade du capitaine Franz Bauer qui comprenait déjà trois personnes : Kelsier Hodgen, Karhlya Ainsley et Ludwig Ziegler. Rapidement, car ils n’avaient pas eu le temps de faire plus connaissance que ça en dehors de la préparation, le Capitaine et sa cette petite bleue étaient devenus amis, sans plus. Béryl lui posait beaucoup de questions, bien trop enthousiaste. Et il répondait, avec autant de précisions et d’expérience qu’il le pouvait. C’était quelqu’un de foncièrement gentil.
La mission avait commencé. Ils avançaient dehors, au triple galop. C’était entrainant. Ce rythme, cette allure. Béryl ne pouvait s’empêcher de trépigner, bien que ses entrailles se tordaient d’une peur glaciale. Ils devaient se rendre dans une forêt, à une ou deux heures des murs, pour achever quelques titans qui se rassemblaient par là-bas. Une expédition simple en somme, pour entrainer les nouveaux.
Arrivés au bon endroit, ils avaient rapidement attaché leurs chevaux et étaient passé en manœuvre tridimensionnelle. Ce que Béryl attendait avec impatience. Elle adorait cette sensation de voler. Elle adorait avoir l’impression que le sol ne l’attirait plus, elle aimait cette vitesse.
Elle profitait clairement. Alors arriva le premier titan. Pas très grand, pas très rapide. Le groupe volait avec aisance, anéantissant proprement le premier, puis un ou deux autres.
Mais Béryl voulait plus. Elle voulait faire ses preuves, seule.
Alors elle s’était éloignée, entendant au loin Franz qui lui hurlait de revenir, que c’était dangereux.
Dangereux ? Non… Béryl était bien trop forte pour ça. Elle aurait pu aller dans les brigades spéciales si elle l’avait voulu. Elle n’avait besoin de personne. Elle se suffisait d’elle-même.
Un titan, grand, se dressait devant elle, lui tournant le dos. « Parfait » se dit-elle. Oui. C’était l’occasion parfaite de montrer qu’elle était vraiment la plus forte des nouvelles recrues.
Elle avait vu cette technique avancée à l’entrainement, utilisée par des personnes bien plus expérimentées. Elle s’était entrainée, et y était arrivée sur des mannequins.
Cette situation était bien trop parfaite pour leur montrer.
Alors, après avoir pris un peu d’altitude en tournant autour du titan qui ne semblait pas la remarquer, elle planta un de ses crochets dans la nuque gigantesque, et fit une accélération poussée tout droite vers ce gros morceau de peau, laissant une trainée de gaz épaisse derrière elle. Elle se préparait à effectuer une sorte de toupie, lames vers l’extérieur. Quelques mètres seulement avant d’arriver à son objectif, elle lâcha le grapin et tournoya sur elle-même. Vite, très vite, car elle savait que les muscles de ses bras ne suffisaient parfois pas à trancher cordialement le cou.
Un déviant ?
Tout se passa vite. Béryl trancha, mais pas exactement au bon endroit. Le titan se retourna, et l’observa un instant. Un micro instant, car a peine avait-elle réussi à réaccrocher son grapin plus loin, lui avait déjà sa gueule prête à se refermer sur elle. Elle s’était figée de peur, une fraction de seconde.
Elle entendit un hurlement, puis un cri, et enfin un grognement.
Franz l’avait poussée. Elle était à présent contre l’arbre qui était sur le côté. Les yeux écarquillés, elle découvrait l’horreur.
Il l’avait poussé, mais été resté à sa place. Il n’avait pas pu sortir à temps de la bouche du titan dont la mâchoire s’était refermée sur lui. Il ne lui restait qu’une moitié de jambe et un bout de bras, ainsi que son torse et son visage. Ses viscères laissaient une trainée de sang dans l’air. Il n’était pas mort. Il aurait mieux valu qu’il meure sur le coup. Son corps était resté accroché au grapin qu’il avait planté, et il vint se percuter sur un arbre adjacent à celui de Béryl dans un bruit sourd. Il se vidait de son sang, Béryl ne bougeait pas, figée, parvenant à peine à articuler.
« Franz, Je…. Je… »
Un sourire doux étira ses lèvres, contrastant avec l’expression de douleur et d’horreur. Il parla, faiblement. Béryl avait lu sur ses lèvres. « Dis-lui…. Dis-lui, que je l’aime. »
Et d’un coup de croc, il fut achevé, gobé par ce grand titan.
Tout fut flou par la suite. Des membres du bataillon achevèrent l’immondice. Elle ne se souvint pas du trajet retour, ni comment elle avait survécu entre ce moment, et le moment où ils franchirent le mur Rose.
Mais elle se souvint de ce regard, doré, empli de haine. Elle se souvient des coups, violents. Elle n’avait pas pleuré, elle ne s’était pas défendue. Elle le méritait. Elle avait encaissé, priant que les coups fassent plus mal que la douleur qu’elle pouvait ressentir. Celle de l’idiotie, celle de l’orgueil, celle du meurtre.
C’était à ce moment où elle souhaitait plus que tout mourir, qu’elle décida au contraire de se battre. C’est à ce moment là où elle se jura qu’elle ne referait jamais cette erreur, qu’elle deviendrait meilleure, et pas par orgueil.
Pour que personne n’ait à ressentir ce qu’elle ressentait à ce moment-là. Pour que le sacrifice de Franz ne soit pas vain.
Et cette femme, qui se tenait devant elle à présent, était la seule personne qui avait pu frapper Béryl au visage sans qu’elle ne se protège ou qu’elle ne récidive.
Elle baissa les yeux, serra les poings.
« Apparemment. »
Mais elle releva le regard vers cette femme, non pas pour lui manquer de respect, bien au contraire.
« Est-ce que vous allez bien ? »
Le passé douloureux est un cruel tourment - Euripide
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Jeu 20 Déc - 18:25
Passé : Présent décomposé
Courage
Béryl s’attendait à une réaction de rejet, pure et dure. Pourtant voila qu’elle s’adosse et qu’elle réponds. Sans crier, sans frapper.
Béryl ne s’autorise pas une once d’espoir concernant leur relation, et elle voit bien que Oksana – nom qu’elle avait entendu il y a bien longtemps, n’était pas franchement ouverte à une conversation de coupine.
Même, elle-même ne lui manquerait pas de respect. Jamais.
« Je vais bien. »
Une réponse simple, clair. Elle n’imaginait pas même pas ce qu’elle pouvait ressentir. « La fille qui a tué mon amour va bien. » Elle essaya de se mettre à sa place. Comment elle réagirait si Sawyer était mort par la faute de la personne juste en face d’elle.
Elle ne supporterait pas sa vue.
Pourtant la voila qui parle encore. Qui lui pose une question dans un murmure. Décontenancée Béryl répondit dans un même ton. Doux.
« Le bataillon… Disons que je ne refais plus les mêmes erreurs. Je fais de mon mieux. »
Et puis, ça lui fit tilt. Elle ne lui avait jamais dit. Les derniers mots de Franz. Elle n’était pas sûre même si quelqu’un lui avait expliqué comment… et pourquoi, il était mort. Elle n’allait pas se dégonfler, même si Oksana était passé à autre chose… C’était important. Surtout pour Franz. Elle souffla un coup, prenant son courage à deux mains.
« Il y a quelque chose dont j’aimerais vous parler. Est-ce que je peux vous offrir une tasse de thé ou … Quelque chose à boire ? »
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Jeu 20 Déc - 19:27
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Jeu 20 Déc - 22:15
Passé : Présent décomposé
Courage
Ok. Oui. C’était compréhensible. Elle n’allait pas accepter de prendre le thé même de base. Béryl soupira un coup, d’un côté ça l’arrangeait. Elle joignit ses doigts, les paumes moites.
« Oh… Je…»
Je t’écoute disait-elle. Béryl avait envie de fuir, de se retourner, d’oublier tout ça, d’oublier cette femme, d’oublier Franz, d’oublier cette foutue mission et tout ce qui en découlait. Elle se voyait déjà presque sur le flanc de son cheval, l’odeur équine lui montant au nez.
« C’est à propos de Franz.»
A l’évocation de ce nom, ses lèvres se mirent à trembler. Elle serra les mâchoires et déglutit avec difficulté. Elle ne se dégonflerait pas.
Elle affronterait ses propres démons. Ici. Maintenant.
« Je voulais vous présenter mes condoléances, même si elles sont tardives...»
Elle pâlit. Ce n’était pas ce qu’elle aurait dû dire, clairement. Mais elle ne voyait pas comment s’exprimer sans ça. C’était à ses yeux, la base du respect. Un torrent, un ouragan lui déchirait les entrailles, car son corps et son cœur lui hurlaient de fuir. Ils se souvenaient de la douleur.
« Il… Franz m’a sauvé la vie, et je ne pourrais pas assez le remercier pour cela. J’étais sur le point de me faire croquer, quand il est venu et … et il a pris ma place. Seulement… »
Sa voix se brisa en repensant à cet arbre, là. Le souffle plus court, elle se sentait divaguer, tout tournait, tout ondulait, tout dérivait alors qu’elle avait la sensation que tout ralentissait autour d’elles, les sons, les images. Elle ne pouvait bouger, mais elle ne voulait bouger. Elle continua, gorge nouée, tête baissée.
Elle tremblait.
« Il n’est pas mort sur le coup. Il a eu le temps de parler, un peu. Il... Pensait à vous, même à ce moment-là... surtout, à ce moment-là... J’ai ces derniers mots, en mémoire, encore aujourd’hui. »
C’était si dur, de se rappeler, de transmettre ses mots et ces émotions, jalousement gardées pendant quatre ans. C’était tellement dur pour elle de revenir dans le passé, en seulement quelques mots et un visage. Elle articulait dans le vide, elle respirait fébrilement, elle serrait les poings, sur le point d’abandonner, tout. Aucun son ne voulait sortir, elle se mordit une lèvre en relevant la tête, effrayée de ce qu’elle pourrait voir.
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Ven 21 Déc - 3:51
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Ven 21 Déc - 15:14
Passé : Présent décomposé
les mots
Elle sentit d’abord une douleur, brute, au niveau de sa joue, puis un éclat sur lèvre, elle se retrouvait projeter sur le côté par la force du coup. Elle se redressa en s’appuyant sur le mur à côté d’elle, soufflant fort et se remit face à Oksana qui lui asséna un second coup bien plus violent, au niveau du ventre.
Un craquement interne qui fit vibrer toute son échine. Une côte devait s’être brisée. Elle eu le souffle coupé alors qu’elle tomba à la reverse. Sa tête cogna fort contre les pavés, elle sentait un liquide chaud qui lui coula au dernière de la tête, et pourtant, elle n’avait pas si mal.
Mais un gémissement de douleur s’échappa de ses lèvres quand la femme, pleine de rage, s’assis sur son ventre déjà endolori. Elle peinait à respirer.
« Je n’ai pas chercher à vous en parler car je ne comprenais pas à quel point cela pouvait être important ! Maintenant je sais ! Je le sais ! Alors allez-y !»
Elle saisit le poing levé et l’amena un peu plus vers son propre visage.
« Allez-y ! Frappez-moi ! Frappez-moi de toutes vos forces ! Parce que oui je le mérite ! Franz n’aurait jamais dû me sauver oui ! Parce qu’il est mort à cause de moi ! Il est mort à cause de mon orgueil, de ma stupidité ! Allez-y ! Allez-y ! Mais, même avec ça, avec toute cette haine, je ne mourrais pas ! Je ne gâcherais pas la chance qu’il m’a donné, je ne gâcherais pas son sacrifice ! Je vivrais toujours avec ! Je ne l’oublierais jamais ! »
Elle avait hurlé, tout ces mots qui étaient resté en elle pendant toutes ces années. Elle s’arrêta net. Elle n’avait jamais vu des yeux à la fois aussi vides, mais aussi emplis d’émotions diverse. Un instant seulement, elle se sentait happée par ce regard qui lui montrait plus encore le mal qu’elle avait fait.
Elle avait lâché une bombe, autant pour elle, que pour la femme qui la battait. Pourtant, non, ce n’était pas ça. Elle ne voulait pas l’agresser, elle ne voulait pas lui faire plus de mal alors elle se décontracta un peu, son ton se fit plus calme, sa voix tremblait, elle détourna la tête.
L’adrénaline qu’elle pouvait ressentir calmait la douleur des coups, mais pas celle de l’âme.
Pourtant elle ne se dégonflerait pas. Pas maintenant.
Pour Franz
Pour Oksana.
Pour elle-même.
« Il souriait. Quand il a dit ces mots. »
Alors, aujourd’hui, comme lui il y a 4 ans, elle planta son regard dans les yeux ambrés de Oksana, et lui adressa ce même sourire qui marqua son visage ensanglanté, doux.
« Dis-lui. Dis-lui, que je l’aime. »
Les mots restèrent en suspens. Béryl n’ajouta rien. Son visage avait repris la teinte de la douleur. Ses larmes étaient silencieuses, ses yeux s’assombrirent. Elle détourna le regard, prête à recevoir un nouveau coup.
« Je suis vraiment… vraiment… dé… désolée. »
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