La vie n’était plus tranquille depuis que les titans s’étaient invités lors de la fête de l’hiver. Tu avais peu à peu vu de nombreuses personnes blessées ayant réussi à s’échapper s’échouer chez toi. Le local ou tu exerçais n’était qu’un hôpital de fortune dans une usine désaffectée, mais tu n’avais rien trouvé de mieux pour accueillir tous ces gens. Des lits de camps étaient mis les uns à côtés des autres et tu avais rameuter quelques personnes pour t’aider. Mais tu étais seule maintenant, les patients dormaient ou étaient rentrés chez eux, et tu t’occupais d’un dernier tour de ronde avant d’en faire de même. C’est à cet instant qu’un homme ouvrit la porte pour te demander de l’aide.

Tu te figes lorsque tu te rends compte qu’il s’agit d’un soldat et tu demeures méfiantes. Tu n’as jamais aimé ces hommes qui pensent que leur pouvoir s’applique à tous parce qu’ils ont un uniforme. Seuls ceux du bataillon semblent parfois trouver grâce à tes yeux puisqu’ils vont directement au contact du danger, eux. Mais, tout dépend de la personne. Tu le jauges du regard un instant, sans un mot, puis tu approches.

« Bonsoir, installez-vous ici. »

Tu désignes une chaise, et tu enfiles des gants propres.

« Où avez-vous mal ? »

Tu n’aimes pas que ces hommes soient aussi sûr que les choses leurs soient dues. Mais, tu es de ceux qui ont une éthique professionnelle et qui ne refuseront jamais de l’aide à quelqu’un de blessé. Alors au bout du compte, tu mets tes préjugés de côtés et tu t’agenouilles devant lui pour te rendre compte de l’étendue des dégâts.

Et puis, il plaisanta. Un sourire étira faiblement tes lèvres, s’il n’aimait pas les brigades spéciales, cet homme n’était peut-être pas complètement perdu. Alors, tu plaças tes mains de telle manière pour savoir combien de côte étaient cassées. Tu en comptas au moins trois et un soupir quitta tes lèvres.

Tu te redressas et observa alors ses yeux, leur réactivité, la manière dont la pupille était dilatée.

« Très bien, vous semblez avoir plusieurs côtes cassées une commotion assez sévère. On va vous allonger et je vais soigner vos plaies. Vous devez vous reposer pour le moment. Avez-vous des maux de tête, des étourdissements ? »

L’homme n’est pas en très bon état dans le principe. Mais ça ne t’étonne qu’à moitié, les derniers événements qui se sont déroulés à Odelia ont mis beaucoup de monde dans des états lamentables et les soldats ont dû assurer la sécurité au maximum, ce n’est donc pas étonnant que ton nouveau patient soit dans un état pareil.

Tu le guides jusqu’un lit libre et le fait s’y assoir. Tu poses ta main sur son front et tu prends ensuite son pouls. Le reste semble correct.

« Cet espace est là pour les personnes qui ont besoin d’être soignées, vous êtes blessés donc vous avez le droit d’être ici. Ne vous en faites pas, tout le monde a reçu les soins nécessaires aujourd’hui. »

Elle lui offrit un sourire plus franc.

« Je vais avoir besoin que vous ôtiez votre chemise et votre veste pour vous soigner. »

Parce que panser les plaies c’était mieux sans avoir de vêtements qui gênent.

Tu ne le regardes pas se dévêtir, tu es occupée à préparer le matériel pour soigner ses blessures. De l’alcool médicinal pour tout désinfecter et des pommades pour apaiser les hématomes. Tu approches finalement de lui avec ton matériel une fois qu’il est prêt, tu observes les blessures qui t’avaient été cachée et tu fais la moue. Il y a une belle plaie à recoudre. Alors tu retournes à la réserve pour récupérer des aiguilles et de quoi faire en sorte de le réparer un peu.

« Effectivement. Mais si vous aviez à faire à des Titans, ça n’est pas réellement surprenant. »

Tu te détends un peu au fil du moment, c’est un soldat et tu ne l’oublie pas, mais tu n’es pas un monstre et tu sais reconnaître quand quelqu’un est d’utilité publique. Heureusement que des personnes comme lui étaient là ce jour-là.

« Vous avez une plaie béante que je vais devoir recoudre. Je vais commencer par ça. Je vous conseille de boire un bon coup et de serrer les dents, ça ne va pas être une partie de plaisir. Quant à votre tête, je dois attendre un peu avant de vous dire ce qu’il en est. Pour l’instant ça n’a pas l’air trop grave mais, je ne peux pas vous confirmer que vous êtes hors de danger. Allongez vous sur le côté et prenez ça pour mordre dedans si nécessaire. »

Elle lui tendit une ceinture de cuir qu’elle venait à l’instant de défaire de sa taille. Elle n’avait plus rien de propre et, il y avait peu de chance que ça abîme réellement sa ceinture.

Un point à gauche, un point à droite, et tu recommences. Tu fais six points le long de son flanc, suffisamment pour bien maintenir la plaie close. Tu asperges ensuite d’alcool pour nettoyer tout ça en profondeur et tu poses un bandage dessus. Tu en profites pour soigner quelques égratignures et quelques blessures, tu appliques de la pommade et tu serres le bandage de manière à ne pas trop appuyer contre les côtes blessées.

Tu le vois se relevé quasiment immédiatement et tu protestes un peu dans ta tête : tu lui as dit de rester allongé ! Tu passes devant lui et récupère le morceau de cuir.

« Ça n’a pas d’importance, elle a connu pire. Il n’y a pas besoin de payer pour quoi que ce soit. Ça n’est qu’une ceinture. »

Elle est toujours fonctionnelle donc, tu t’en contenteras sans aucun souci. Esther Drake n’est pas femme matérialiste.

« Vous avez pourtant réussi à sauver énormément de monde d’après ce que j’ai entendu. »

Evidemment, il y avait beaucoup de dégât, le district avait été complètement clos et des victimes étaient mortes. Mais sans eux, ça aurait probablement été pire, elle ne pouvait pas nier ça. Même si ça lui arrachait la bouche.

« En attendant l’important c’est de vous reposer. Je vais vous donner quelque chose pour calmer la douleur. Pour votre tête, dormez et nous verrons demain matin comment vous vous portez. Pour les blessures, il faut changer le pansement et désinfecter une fois par jour. Appliquez cette pommade sur tout le corps ensuite, ça favorise la guérison. »

Elle lui désigne un petit pot de sa fabrication.

« Et pour vos côtes, l’important c’est du repos. Quatre semaines d’immobilisation totale, vous allez souffrir le martyr pendant deux semaines plus ou moins. Je vous donnerais tous les médicaments quand je vous laisserais partir d’ici. Demain ou après-demain, à voir selon votre tête. »

Elle se tourne et prend une boîte de bois ainsi qu’un stylo.

« Quel est votre nom ? »

Elle en avait besoin pour l’inscrire sur le dossier du patient, pour que les autres médecins connaissent son diagnostique et son traitement.

Tu n’aimes pas qu’on étale sous ton nez l’argent gagné sur le dos des citoyens. Et si ça te faisait passer pour plus dure que tu ne l’étais, tu t’en fichais bien. Tu observes autour de toi et note au fur et à mesure ce que tu as utilisé à la fois sur l’inventaire et sur la fiche patiente. Tu la glisses ensuite dans le fond de la boîte et tu places par-dessus la pommade et les différentes compresses.

Et puis, il râle. Tu te retournes, l’air un peu blasé. Ces soldats qui se croient toujours plus intelligent et plus fort que les autres.

« Vous n’êtes pas en état. Mais, qui suis-je pour imposer à un soldat de rester au lit. »

Le ton était piquant, tu étais toujours agacée qu’un patient crois mieux que toi ce qui était bon pour lui. Mais tu pouvais en comprendre certains. Sauf que tu en étais à une longue journée, que tu étais épuisée et qu’il était soldat. Tu tiquas à son nom mais tu n’en laissas rien paraître. Garviel Vector. Vector. Le nom te disait quelque chose, tu en avais probablement déjà parlé.

« Envoyez un courrier serait en effet plus sage. Les côtes cassées peuvent empirer et votre commotion aussi, si vous sortez d’ici avant que je vous en donne le feu vert, je ne peux pas assurer que vous guérirez. »

Tu étais très sérieuse. Garviel avait besoin de repos et d’immobilisation.

Une fois la boîte prête et posée sur l’étagère avec les autres, tu reviens observer ton patient. Tu jetas un œil à la pendule accrochée au-dessus de la porte, un soupir quittant tes lèvres. La personne qui devait prendre la relève aurait dû être là depuis plus d’une heure. Et elle était en retard. Tu espérais sereinement qu’il ne lui soit rien arrivé.

Puis, il s’excusa. Tu inspiras longuement, passant une main sur ta nuque. Tu devais te détendre, ça ne servait à rien de t’exciter sur cet homme. Ça ne servirait pas tes intérêts.

« Pas de souci, je suis fatiguée. Je comprends que vous vouliez prévenir vos proches mais, faites-leur porter une missive car vous ne pourrez pas sortir d’ici avant au moins deux jours. »

Le temps de vérifier que la commotion n’était pas plus grave et qu’il pouvait tenir sur ses jambes. L’adrénaline est un mal merveilleux mais qui a des revers douloureux.

« Vous inquiétez ne sert à rien, reposez-vous. Les premières conclusions sont encourageantes alors cessez de vous faire du souci. »

Puis, tu l’observas et hésita un instant. Vous aviez encore des rations du jour et puis, il était un patient.

« Avez-vous faim, Monsieur Vector ? »

Parce que tu commençais à avoir un petit creux, mine de rien.

Tu sens un creux dans ton ventre, signe que tu n’as rien avaler depuis plus de six heures facilement. Et ton corps te le faisait sentir. Tu l’écoutas t’indiquer qu’il avait des vivres dans les sacoches de son cheval.  

« D’accord, je vais aller les chercher. »

Au fond, tu es contente qu’il te propose ça. Parce que sinon, ça se résumait à un quignon de pain presque rassit et quelques pommes. Ce qui ne faisait pas vraiment un repas de fou. Alors récupérer quelques vivres supplémentaires n’était pas de refus.

Elle flatta doucement l’encolure du cheval, un petit sourire aux lèvres, et ramena les sacoches à l’intérieur. Elle installa également le cheval dans l’étable avec les autres, de manière à ce qu’il puisse lui aussi manger et se reposer.
Arrivé à l’intérieur, elle posa délicatement les sacoches sur le lit après avoir retirer de quoi leur préparer un sandwich.

« Je peux faire porter votre courrier demain matin si vous le souhaitez. Je dois avoir du papier et de quoi écrire non loin. »

Tu prépares de quoi manger deux sandwichs chacun et puis tu déposes l’assiette devant lui avec un verre d’eau et une pomme. Puis, tu attrapes une chaise et tu t’installes non loin. Même si la compagnie d’un soldat n’est pas la plus plaisante, tu n’aimes pas spécialement manger seule.

« Je m’appelle Esther. »

Tu n’as pas très envie de décliner ton identité complète, de toute manière il ne te connaîtrait pas.

Tu l’observes avec un petit sourire, c’est amusant de voir à quel point les événements peuvent privés un Homme de ses besoins primaires. Tu l’observes manger avec appétit, d’un air amusé, pendant que tu grignotes le tiens. Pourtant, tu n’as pas très faim. Tu manges pour donner du carburant dans ton corps, mais, tu sais que tu ne finiras pas le second alors tu poses l’assiette sur la tablette et tu lui souris.

« Si vous avez encore faim. Et me remerciez pas, c’est mon métier. »

Sinon, tu le ramènerais jusque chez toi et tu le mangerais le lendemain. L’important étant que ça ne se perde pas. Tu hochas la tête lorsqu’il mentionna les lettres, de toute manière tu laisserais le matériel à sa portée.
Ton regard s’était perdu sur l’extérieur et tu sursautas presque lorsqu’il te demanda si tu étais seule à travailler ici.

« Non. Normalement nous sommes plusieurs, surtout en journée. Mais il n’y a qu’une personne la nuit pour assurer la garde et on me fait appeler si besoin. Sinon on est… sept je crois. En comptant les infirmières et les secrétaires. »

Ça ne faisait pas beaucoup mais, ils n’étaient pas un grand hôpital de Sina. Ils n’étaient qu’un dispensaire.

Tu l’observes un instant et penche la tête doucement, tu hoches la tête lorsqu’il te pose la question.

« Oui, je ne voudrais pas que ça se perde. »

Tu préfères simplement que la nourriture ne soit pas gâchée, tu as suffisamment manger et tu le lui proposes. Mais tu apprécies qu’il te demande avant, ça montre qu’il a quelques principes. Ce n’est pas si mal.

Et puis, tu te figes. Son discours sur les soldats te fait serrer les dents. Ta mâchoire se crispe, tu n’as rien à voir avec ces soldats qui volent tout et font leur loi. Tu n’aimes pas cette comparaison. Et tu n’aimes pas ce qu’elle sous entends.

Tu ne rebondis pas, tu évites parce que tu n’as aucune envie de débattre. Et que cet homme semblait un peu plus digne de confiance que d’autres soldats de ta connaissance. Tu les connaissais, ces hommes en uniformes, qui n’avait qu’une envie, détruire les autres pour assoir leur position.

« Oui, il y a moins de pensionnaires en règle générale. Mais on s’en sort. Et même si de l'aide ne serait pas de trop, notre très cher Roi ne se soucie guère du petit peuple. »

Tu sais que donner ton avis sur la Royauté pourrait t’apporter des ennuis. Surtout devant un soldat de sa majesté. Mais au fond, si tu voulais te débarrasser de lui ici et maintenant, tu n’aurais aucun mal à le faire. Il te suffirait de concocter un poison et de le lui passer dans le sang. Et tu pourrais faire passer cette injection pour n’importe quoi au fond.

Mais qu’il se rassure, ça n’était pas dans tes projets. Tu n’avais aucune intention de lui faire du mal, dans le fond tu n’avais envie de faire du mal à personne, ce n’était pas pour ça que tu avais embrasé la carrière de médecin. Si tu avais dû blesser, tu serais devenue soldats.

Par contre, tu ne cachas pas ta surprise de l’entendre parler ainsi du pouvoir. Pour toi, tous les soldats sont à la botte de ce chef de l’état, trop cupide pour s’intéresser au petit peuple, qui s’entoure d’eux pour se protéger des titans à leur dépends. Où était-il, ce Roi sans cœur, pendant la fête de l’hiver qui à viré à la catastrophe ?
Qu'importait, finalement, même si tu t'en doutais un peu, tu te rendais compte que tous les soldats n'étaient pas à la botte du Roi. Et que celui là avait l'air d'avoir un peu plus de jugeote que les autres.

« Sa politique n’a aucune logique. »

Son avis était tranché, et elle avait trop perdu pour revenir en arrière.
Mais tu n’avais pas envie de parler de politique, surtout avec un soldat. Alors, elle passe une main dans ses cheveux pour en tirer le ruban qui les nouait. Tu sentais que c’était défait et ça te perturbait depuis déjà un moment. Et puis, tu sentais le mal de tête poindre au fond de ton crâne, autant évité que ça n’empire à cause de ça.
Puis, sa proposition te surpris. Tu haussas un sourcil et le détail du regard.

« Vous avez des compétences médicales ? »

Tu es satisfaite de voir qu’il n’essaie pas d’en savoir plus sur tes opinions politique. Après tout, tu avais toujours l’avantage de pouvoir t’éclipser si la conversation ne te convenait pas. Tu jetas un nouveau un œil sur l’horloge. Deux heures. Tu reprenais du service à dix heures. Tu n’allais même pas faire une nuit complète. Un soupir quitta tes lèvres. Tu espérais sincèrement que ton collègue allait bientôt arriver, parce que tu étais épuisée. Tu sortais d’une garde de 48h à l’hôpital quand tu avais entendu les événements. Tu t’étais proposée immédiatement pour soigner les blessés ; mais tu avais aussi besoin de repos. Et tu étais levée depuis près de 72h. Ça devenait dangereux pour toi, et pour tes patients. Et la compagnie n’était pas particulièrement désagréable lorsqu’elle s’en tenait à des banalités apolitiques. Mais, tu aurais bien quitté sans regret le chevet de cet homme pour rejoindre la douce étreinte de Morphée.

En temps normal, tu n’aurais pas accepté son aide. Parce que cet homme était blessé, parce qu’il n’était pas en état de servir dans un hôpital. Son manque d’expérience médical n’était pas un souci pour la partie administrative ou même pour prendre un poste d’infirmière. Un instant, l’idée d’un grand dadais comme lui dans une tenue d’infirmière t’arracha un sourire.

« Pour le moment vous n’êtes pas en état. Vous avez besoin, a minima, d’une semaine d’immobilisation. Après nous en reparleront. Mais j’apprécie votre proposition, un peu d’aide sera la bienvenue. »

Et puis, enfin, le bruit libérateur. La porte. Tu te redressas et lança un regard mauvais à l’homme qui venait d’entrer d’un pas las en baillant.

« Ce n’est pas trop tôt. Monsieur Vector, je vais vous laisser vous reposer et je vais en faire de même. Nous nous reverrons demain, probablement. »

Tu lui offris un sourire, rangea la chaise et le matériel et rejoignis l’entrée. Tu n’adressas même pas un regard à ton collègue, lui indiquant simplement qu’il te remplacerait jusqu’à 13h.