Stohess. Tu ne pensais pas y retourner aussitôt. La dernière fois, c'était il y a quelques jours. Tu avais rencontré Shayne - ou plutôt, le Capitaine Cuthbert - qui t'avait aidé à retrouver Armin. Ton père y était également aller, mais il avait oublié le dossier de la monture qu'il avait soigné au QG des Brigades Spéciales. Et pour couronner le tout, c'était toi qui devais y aller. Tu détestais cela. Ton paternel te faisait le coup à chaque fois. Il oubliait un truc et c'était toujours sa fille adorée, toujours en forme et jeune, qui devait le récupérer.

Tu étais arrivée à destination. Tu descendis donc d'Orion et tu te demandas à cet instant si Shayne était là. Il t'avait bien dit, la dernière fois, que si tu venais à Stohess, tu pouvais le faire demander, non? Enfin, s'il travaillait bien entendu. S'il s'agissait de son jour de congé, tu étais fichues. Un mouvement sur ta gauche attira ton attention. Un peu plus loin, deux soldats essayaient de calmer un cheval. Et ils ne s'y prenaient clairement pas de la bonne façon. Tu fronças les sourcils. Si cela continuait, cela pouvait devenir dangereux.

Tu t'élanças donc vers la monture. Les gardes près du portail essayèrent de t'arrêter, mais les ayant pris par surprise, tu réussis à les esquiver. Tu voyais bien que le cavalier était une nouvelle recrue et il paniquait. En paniquant, cela ne faisait qu'empirer les choses. À la surprise de ses camarades, tu montas le cheval et t'installas derrière lui. Tu lui arrachas les rennes des mains. « Cesses de paniquer, bordel. Le cheval ressent tes émotions. » Il avait bien failli donner un coup de sabot aussi! Tu forças alors le gamin à descendre, ce qu'il fit en atterrissant lourdement au sol, et tu caressas l'encolure du cheval, lui murmurant même à l'oreille. Enfin, il se calma. Et tu soupiras de soulagement.

« Descendez de là immédiatement! » Tu te figeas et regardas autour de toi. Et merde. Tu venais à peine d'arriver et tu t'attirais des ennuies. Lentement, tu descendis du cheval, les mains en l'air. C'est que, mine de rien, ils avaient des fusils ces types. « Hey oh... Je vous ai sauvés. Un coup de sabot sur le crâne, c'est dangereux. » Sauf qu'ils n'avaient pas l'air d'apprécier. Tu déglutis. Dans quoi venais-tu de t'embarquer?

Tu observais les soldats sans bouger. Tu n'osais même pas respirer. Tu devais l'avouer. Un cheval qui perd le contrôle te faisait moins peur qu'un homme avec un fusil. Les chevaux, tu les connaissais bien. Tu avais grandi avec eux. Sauf que les hommes... C'était imprévisible. Surtout avec ce qui s'était passé à Odelia, certains devaient être à cran. Puis, tu entends sa voix. Tu le reconnais. Alors, tu te retournes légèrement vers lui. Shayne arrivait au bon moment!

Sans rechigner, tu le suivis jusqu'à ce que vous rejoignez ce que tu supposas être son bureau. Ce ne fut qu'une fois à l'intérieur que tu poussas un long soupir de soulagement. « Oh bon sang, j'ai eu peur sur ce coup-là. » Tu posas une main sur ton coeur qui s'était emballé. Ils n'allaient tout de même pas de tirer dessus, mais à voir leur regard, tu ne donnais pas cher de ta peau à ce moment-là. « Merci Shayne... Ou devrais-je dire Capitaine? » Tu ne savais pas vraiment si tu pouvais encore l'appeler par son prénom ou si tu devais utiliser son titre. Vous étiez à l'abris des regards, mais quand même. Ta main se perdit alors dans tes cheveux d'émeraude et tu dévias le regard. « Désolée, je ne voulais pas attirer l'attention, mais ils n'arrivaient pas à le calmer... »

Il n'y avait que vous deux, alors inutile d'utiliser les formalités. Tu souris doucement. Il avait raison. S'il avait voulu que tu l'appelle Capitaine, il ne t'aurait pas donné son prénom lors de votre première rencontre. Shayne te rassura. Tu n'avais pas besoin de t'inquiéter pour cela. Au contraire, il te remercia même d'être intervenu. Puis, il te demanda comment tu avais su le maîtriser.

Tu vins t'asseoir dans l'une des chaises devant son bureau et t'étiras avant de lui répondre. « J'ai grandi avec eux. Mes parents ont un élevage. Et j'ai bien l'intention de le reprendre. Pour le moment, je les aide tout en étant vétérinaire. » Tu les connaissais plus que bien. Depuis toute petite, tu les côtoyais. Tu savais comment réagir et quoi faire exactement. Soudainement, la raison de ta présence te revint. « Ah oui! C'est vrai! Shayne, je voulais justement vous voir. » Il était capitaine et la seule personne que tu connaissais parmi les soldats des Brigades Spéciales. Tu t'étais dit qu'il pourrait t'aider, s'il était présent aujourd'hui. Quelle chance tu avais! Même pas besoin de le chercher, il était venu à toi.

« Mon père est venu ici pour soigner un cheval. Sauf qu'il a oublié son dossier. Est-ce quelqu'un vous l'aurait amené? » demandas-tu en penchant légèrement la tête sur le côté.

Shayne connaissait donc ton père? Tu souris et tu hochas la tête. « Oui, c'est bien lui. » Bon, il fallait dire que vous ne vous ressembliez pas du tout. Excepté peut-être les yeux, mais c'était tout. Tu étais plutôt le portrait craché de ta mère. Lorsqu'il déclara qu'il y avait effectivement quelqu'un qui lui avait rapporté ces dossiers, un soupire de soulagement s'échappa de tes lèvres. Après tout, ces dossiers étaient importants pour vous.

Tu attrapas donc les documents et les feuilleta quelques secondes, simplement pour t'assurer qu'aucune feuille ne se soit glissée hors du dossier en cours de route. Cependant, cela ne t'empêche pas d'entendre la remarque du capitaine. Ces propos te firent immédiatement relever la tête et tu posas un regard surpris sur lui, mais en voyant son sourire, tu te mis à rire. Il te taquinait. « Pour être honnête, si je ne vous avais pas vu aujourd'hui, j'aurais été déçue. »

Tu observas alors l'horloge posé sur le mur. C'était bientôt l'heure du déjeuner. Le mieux serait de manger avant de rentrer et une idée traversa ton esprit. Ton attention se reporta donc sur Shayne. « Est-ce que vous avez une pause, pour le déjeuner? Je me disais qu'on pourrait peut-être aller manger quelque chose avant que je ne retourne au ranch. »

Tu attendis patiemment qu'il te réponde. Tu comprendrais, bien sûr, s'il refuse ta proposition. Tu te disais que vous pourriez passer un peu de temps ensemble après avoir fait tout ce chemin pour Stohess. Et tu lui souris, lorsqu'il accepta. Cela lui permettrait de se changer les idées, d'oublier le travail pour quelques instants. Il te demande ensuite si tu avais une préférence pour le repas. Tu penchas légèrement la tête sur le côté. « Je ne suis pas bien difficile, mais... J'ai bien envie de pâtes. » Le genre de repas qui se trouvait un peu partout et qui ne coûtait pas une fortune. C'était l'idéal quoi. « Et vous? » Tu ne savais pas du tout ce qui lui ferait plaisir. Et c'était la moindre des choses de le lui demander.

Tu t'approchas ensuite de la fenêtre pour jeter un coup d'oeil à l'extérieur.  « Si je ne me trompes pas, il y a un restaurant au coin de la rue. Il m'a l'air bien. Qu'est-ce que vous en pensez? » Tu étais passée devant en venant ici. En plus, ce n'était pas trop loin. Shayne pourrait retourner au QG s'il y avait une urgence ou quoi que ce soit d'autres.

Tu étais heureuse que des pâtes lui conviennent, mais il semblait avoir une autre proposition à te faire concernant le restaurant. Shayne désirait t'emmener dans une cantine située plus loin. Cela t'intriguait grandement.  « Ça ne me dérange pas du tout. Allons-y. » Tu le suivis donc et sortis de son bureau. Une main dans tes poches, l'autre tenant les dossiers, tu marchais aux côtés du capitaine en direction de la sortie.

Ce dernier te demanda comment allait Armin et cela te fit sourire. Cela te faisait plaisir qu'il te demande de ses nouvelles. « Il va bien. Il commence petit à petit à s'adapter à la maison, à  moi et mes parents. Il aime beaucoup son panda d'ailleurs. » Il dormait et se baladait souvent avec. Parler du petit te fit penser à cette feuille de papier pliée dans tes poches. Tu la sortis et la tendit à Shayne pour qu'il puisse la regarder. « C'est un dessin qu'il a fait en rentrant l'autre jour. Je pense qu'il a bien apprécié sa glace. » Il vous avait dessiné, tous les trois, avec vos glaces dans les mains. C'était plutôt mignon. Tu l'avais amené avec toi au cas où tu le croiserais aujourd'hui. Et tu avais bien fait.

Tu étais contente de savoir que le dessin lui plaisait. Enfin, qu'il trouvait cela adorable surtout. Tu récupéras la feuille que tu plias de nouveau pour le glisser dans ta poche. Et il avait raison. Cela ira mieux une fois qu'Armin se sentira complètement en sécurité. Il faisait encore des cauchemars, mais tu savais qu'avec le temps, il n'en fera plus. Du moins, tu l'espérais.

Après ses explications, tu comprenais mieux ce qu'il voulait dire par cantine. Cela te fit sourire un peu, puisque ce genre d'endroit, tu en avais eu un à Karanes. Tu n'y avais pas remis les pieds depuis quatre ans et tu devais avouer que la nourriture du chef te manquait cruellement. « J'avais une sorte de cantine, moi aussi, à l'époque où j'allais souvent à Karanes. J'y allais avec Franz et Ludwig. » Ton coeur se serra en prononçant le nom de ton grand amour. Pourtant, tu essayas de faire comme si tout allait bien. Comme si ce voile de tristesse qui recouvrait tes yeux n'existait pas. « Si un jour vous venez à Karanes, nous pourrions y aller. » Une autre invitation? Pourquoi pas? Shayne était plutôt sympathique. Il était différent de ce que tu pouvais t'imaginer habituellement des soldats des Bridages Spéciales.

Tu souris doucement lorsqu'il accepta ton invitation. Sans même t'en rendre compte, vous étiez déjà arrivés. Shayne passa alors devant toi afin de t'ouvrir la porte. Tu ne te fis pas prier pour le rejoindre à l'intérieur, là où il faisait plus chaud. Une dame interpella alors le Capitaine. Tu te retournas pour l'observer et tu en conclus qu'il s'agissait de la patronne. Tu le saluas donc d'un signe de la tête. Un sourire amusé étira tes lèvres lorsque tu jetas un coup d'oeil au blond. Il venait décidément souvent pour qu'elle se souvienne de son prénom.

Tu le suivis donc jusqu'à la table où elle vous installa. Assise devant lui, tu observas alors les alentours. La décoration était simple, rien de grandiose. Le restaurant ne payait pas de mine, mais au moins, la vieille dame était chaleureuse. « Je comprends maintenant pourquoi vous venez souvent. C'est l'endroit idéal pour se poser. » Pour oublier les soucis du boulot et, surtout, pour être tranquille. Tu devais avouer que ce genre d'endroit te plaisait aussi. Personne ne venait te déranger dans ce temps-là, c'était toujours agréable. Tu attrapas donc la carte pour découvrir ce qu'ils offraient.

Tu ne connaissais pas très bien Stohess, mais tu te doutais bien que la majorité des restaurants devaient être chics. Vous étiez tout de même dans l'enceinte du mur Sina. Et puis, être sur son trente et un pour aller manger, tu n'en voyais pas tellement l'intérieur. Sauf si c'était un rendez-vous entre amoureux. Dans tous les cas, tu n'aimais pas cela non plus. Déjà que te faire porter une jupe ou une robe, c'était tout un défi. Tu étais plus à l'aise avec des pantalons et c'était plus simple pour monter à cheval aussi. « C'est vrai. Je n'aurais jamais pensé trouver ce genre de restaurants à Stohess, mais c'est sympa. » Très sympa même.

Tu regardais toujours le menu lorsque Shayne te conseilla. Il te proposa d'essayer soit les pâtes au fromage ou celles aux petits légumes. « Alors là, vous parlez à une femme qui adore les pâtes aux fromages! » Ta mère t'en faisait souvent lorsque tu étais enfant. Et tu devais avouer que tu en mangeais beaucoup. Peut-être un peu trop par moment. « Je suppose que vous savez déjà ce que vous prenez? On peut donc appeler Madame... Nigma? » Tu avais hésité. Tu n'étais plus certaine si c'était cela ou non, mais tu espérais ne pas t'être trompée.

Un sourire amusé étira tes lèvres en entendant sa boutade. Tu étais apparemment tombée sur quelqu'un qui aimait tout autant ce genre de pâtes que toi. « Le jour où les pâtes aux fromages disparaîtront, ce sera la fin du monde. » Un léger rire raisonna dans le restaurant. Tu exagérais, mais tu devais avouer que tu serais bien malheureuse si un tel jour arrivait.

Shayne signifia d'un geste à la vieille femme que vous étiez prêts à commander. Il prit donc deux parts de pâtes aux fromages et une carafe d'eau. La dame hocha la tête après avoir noté et s'éloigna vers la cuisine. « Lorsque ma mère en faisait, je me chamaillais souvent avec mon frère pour avoir la dernière part. » Elle en faisait toujours, mais comme Ludwig n'était plus à la maison, la dernière part t'était réservée. En parlant de ton frère, cela faisait longtemps que tu ne l'avais pas vu.

Madame Nigma revint avec une carafe d'eau qu'elle déposa sur votre table. Tu la remercias avant de prendre le verre du capitaine et de lui verser de l'eau. « Tenez. » Puis, tu en fis de même avec le tien.

C'était vraiment plaisant de pouvoir rire et plaisanter autant. Du moins, tu avais l'impression que cela faisait une éternité pour toi. Depuis la mort de Franz, tu t'étais quelque peu renfermée. En quatre ans, tu avais eu du mal à faire ton deuil. Sauf que depuis quelques temps, cela allait mieux. Tu te sentais mieux.

Tu souris, amusée, lorsque Shayne t'explique que c'était une institution chez lui aussi quand il était enfant, même si au final, le reste était partagé en règle général. Tu penchas légèrement la tête sur le côté. « Vous avez des frères et soeurs? » demandas-tu, un peu intriguée. Madame Nigma arriva au même moment avec deux assiettes de pâtes au fromage. « Bon appétit! » Tu avais bien hâte d'y goûter. Le Capitaine semblait aimer particulièrement ces pâtes. Tu mangeas une première bouchée et tu hochas la tête, un sourire aux coins des lèvres. « C'est presque aussi excellent que celles de ma mère! » Bien sûr que c'était bon. Toutes les pâtes au fromage l'étaient. Comment y résister?

Tu ignorais ce que ta question provoqua en lui. Cependant, tu te doutais que c'était peut-être un sujet sensible. L'une de ses deux soeurs avaient rejoint le bataillon et était morte. Comme Franz. Et c'était une crainte que tu avais chaque fois que ton frère quittait les murs. La peur de ne plus jamais le revoir. La deuxième vivait toujours à Utopia, enfin c'est ce qu'il croyait. Cela voulait donc dire qu'il ne l'avait pas revu depuis un moment? Tu penchas doucement la tête sur le côté, mais tu n'osais pas le questionner davantage sur ce sujet.

Tu vis alors sa main se tendre vers toi. Tu te figeas, cessant tout mouvement. Avais-tu quelque chose sur le visage? Dans les cheveux? Tu n'osas pas bouger. Alors, tu le laissas faire. Cela ne t'étonnerait pas d'avoir une brindille ou un peu de foin dans les cheveux. C'était ton quotidien. Même si tu devais avouer que sur le coup, cela te gêna un peu. « Merci. » Tu lui souris doucement avant de porter ton verre d'eau à tes lèvres. Tu décidas alors de changer de sujet et de lui poser une nouvelle question. Pour apprendre à le connaître. « Est-ce que vous avez une femme? Ou une petite amie? » Ce n'était qu'une fois la phrase sortie que tu te rendis compte à quel point cette question était : un, indiscrète et de deux, cela pouvait être interprété de différentes manières. Tu dévias le regard. « Désolée, je sais que c'est indiscret comme question. Vous n'êtes pas obligé de me répondre. » Non pas que la réponse ne t'intéressait pas, mais c'était tout de même privé. Enfin, il savait que tu avais perdu l'amour de ta vie. Alors, tu voulais seulement savoir si lui aussi il avait ou avait eu quelqu'un d'aussi important.

Tu ne t'attendais pas à avoir une plume dans les cheveux. Ton regard se posa quelques instants sur elle, un peu surprise à vrai dire, avant de reporter ton attention sur Shayne. Il rit un peu suite à ta question et cela te soulage à vrai dire. Tu avais eu peur d'être trop indiscrète. Il avait eu les deux apparemment, une femme et une petite-amie, mais il les avait perdus. Aïe. Cela faisait mal. Sauf qu'il t'en parla malgré la douleur. Sa femme était morte il y a quelques années et sa mort l'avait peiné même si ce n'était pas un amour passionné qu'il y avait entre eux. C'était normal de se sentir ainsi en perdant un être cher. Et puis, il comprenait ta douleur. Le fait que tu aies encore du mal à combler ce vide en toi, mais cela viendra. Un jour. Tu te demandais comment lui y étais parvenu, mais tout le monde était différent. Tout le monde surmontait leur deuil à leur façon. « Oui, ça viendra. Il commence à cicatriser doucement, c'est un début. » Tu parlais bien sûr de ton coeur. Depuis les derniers mois, les morceaux se recollaient petit à petit. « Je suis contente que vous m'en ayez parlé. » Tu lui offris alors un doux sourire. Étrangement, tu te sentais un peu plus proche de lui. C'était agréable en fait.

« Mangeons avant que ça ne refroidisse. » Et ce serait dommage de gâcher un si bon plat! Tu bus une autre gorgée d'eau avant de manger ces pâtes aux fromages que tu appréciais.