Tu avais reconnu l’éclair. Sa lueur, le son qu’une telle chose produit … c’était gravé en toi, il n’y avait qu’une chose qui ressemblait à ça. Tu étais occupée à frapper dans un sac de sable quand c’était arrivé, du coup, tu avais tout lâcher, absolument tout, pour te précipiter à l’extérieur. Ta veste enfilée à la hâte, tu avais distribué quelques ordres avant de rejoindre l’écurie pour seller toi-même ton cheval, à la hâte. Ça n’était pas censé arrivé. Ton cœur battait bien trop fort, tu te demandais ce qui se passait, exactement, c’était proche. Est-ce que tu allais devoir te battre, sous … ce jour-là ? Celui que tu dissimulais avec soin ? Ainsi, ils avaient décidé de passer à l’action maintenant ? De se montrer. Un grognement colérique remonte de ta gorge tandis que tu tires ton cheval à l’extérieur, tandis que tu attrapes tes affaires, que tu te mets à t’équiper aussi rapidement que possible. Il fallait que tu ailles là-bas, oui. Que tu t’y rendes le plus vite possible. Tu n’avais pas de temps à perdre.

Tu sers chacune des sangles de ton équipement. Avec l’habitude, tu parvenais à installer tout ça sur ton corps un en temps quasi record. Tu sais à quel point il est important que chaque boucle soit parfaitement ajustée, sous peine de chuter, de rater une accroche ou d’être gênée dans tes mouvements. Ça pourrait te coûter la vie, et te faire bouffer par un titan serait plutôt fâcheux, en ce qui te concernait. Tu as le plein de lames, de gaz aussi. Heureusement, tu es du genre soigneuse avec cet équipement, et surtout, bien trop souvent sur le qui-vive. Un soupire. Tes doigts viennent attraper le cuir des rênes de ton cheval tandis que tu te hisses sur le dos de ton étalon sombre. Une voix attire rapidement ton attention, et tu poses ton regard, si sombre, mais habituel, sur le Caporal. Ta langue claque sur ton palais. De l’aide … ça ne se refuse pas dans ce genre de situation, même si pour le coup, tu crains un peu d’avoir l’un de tes subordonnés dans les pieds. Non pas que tu considères le Caporal Von Kleist comme un poids, bien au contraire, plus que cette fois, tu as peur de voir l’un de tes plus gros secrets étalés aux yeux du monde. « A votre aise, Caporal. » Tu souffles, avant de donner un léger coup de talon à ta monture. « Restez sur vos gardes, personne ne sait ce qu’était réellement cet éclair étrange. » Sauf toi. Mais évidemment, tu dois jouer le jeu de l’ignorance.

Ça te fiche la pression. La haine au cœur, aussi. Tu sais ce que tu es, ce qui coule dans tes veines, un grand pouvoir, mais aussi, tu le penses sincèrement, une vraie malédiction que tu n’as d’autres choix que de transmettre plus tard. Tu redoutes le jour où tu devras te montrer sur ce jour-là, où le monde entier, ton entourage au complet, tes soldats te verrons sous cet état si particulier. Tu le redoutes, parce que tu crains la peur et la haine que tu pourrais recevoir au visage. Tu n’es pas là pour faire le mal, bien au contraire. Tu aimerais avoir la possibilité, l’occasion de pouvoir le prouver mais … tout ça, ce que tu vois alors que ton cheval s’arrête à l’endroit approximatif où cet éclair est censé avoir frapper c’est … C’est l’horreur. La désolation. Des corps transpercés. Du sang. La destruction, la mort et les larmes. Le tout, provoqué par un être similaire à ce que tu es au fin fond de ton organisme.

Tu gardes le silence face à la question du Caporal, tu te contentes de poser pied à terre et de t’avancer au beau milieu du carnage. Il y a ces … ces lances immenses plantées un peu partout. Certaines s’évaporent déjà, d’autres persistent et tu viens effleurer l’une d’entre elle. Elle est bouillante. C’est un os. Du moins, ça y ressemble. Tu fronces les sourcils. C’est bien ce a quoi tu pensais, mais il avait déjà disparu. « J’en sais rien. » Ton regard se mets à observer la foule, tu cherches un regard différent, tu cherches quelque chose dans les yeux de quelqu’un. Tu sais qu’il est là, quelque part, parmi les civils, tu saurais reconnaître les signes d’une transformation récente. Mais tu ne vois rien. « Visiblement, il n’y a plus de danger. Faites ordonner à certains de vos hommes de faire le tour du mur du district, juste au cas où. » Rageusement, tu envoies une pierre balader, d’un coup de pied. Tu souffles un grand coup. « Je suppose que le mien que nous ayons à faire, c’est d’aider les blessés en attendant que les équipes médicales n’arrivent sur place. » Un regard interrogateur, tu n’es même plus sûre de ce que tu dois faire.

Tu ne peux rien dire. Tu ne peux rien faire de réellement utile dans cette situation. Le mieux, ce serait de donner des informations, de communiquer ce qu’il faut chercher … sauf que faire ça attirera un lot de questions, des questions auxquelles tu ne pourras pas répondre, parce que ce secret – qui est le tien, mais pas seulement le tien – doit rester bien caché, encore un moment. Il s’échapper. C’est inévitable. Tu n’as pas les yeux partout. Il a tué, et pour le moment, il ou elle s’en sortira parce que c’est comme ça.

La voix de Von Kleist te tire de tes pensées. Odelia te reviens en tête, la mission en cours, aussi. Tu crains le pire, maintenant. Est-ce que les événements du festival et cette apparition sont liés ? Est-ce que tu dois craindre pour le bon déroulé de la mission qui va commencer dans quelques heures ? Tu ne peux plus l’empêcher, tu es bien trop loin. Et de toutes façons, ce n’est pas de ton ressort. « On dirait … qu’un titan est passé par là. » Pas de corps dévorés, mais ils étaient déchiquetés. Pourtant, tu voulais au moins tenter d’orienter la piste. Tu n’avais personne sous la main, actuellement, personne à part le Caporal alors ce serait lui que tu allais tenter de convaincre, le plus subtilement possible. « Ce sont des os… » Tu pousses du pied l’une des lances qui traînent au sol. La matière n’est pas bien difficile à deviner, en réalité, du moins, pour toi. « Et pourtant, il n’y en a plus une trace. »

Tu hausses les épaules. Tantôt, tu observes la scène de désolation autour de vous deux, tantôt, tu lances un regard au Caporal, tu l’observes un peu à la dérobé pour essayer de savoir à quoi il pense, pour capter ses réactions face à ce que tu peux lui dire. Tu as bien remarqué que tes paroles ont fait mouche. L’homme se pose des questions et c’est tant mieux. Le peuple des murs tient pour acquise sa sécurité. Maria est debout, alors on s’imagine qu’aucun titan d’aucune sorte ne peut attendre Rose et ses districts. Et pourtant, aujourd’hui, cela vient bel et bien d’arriver. « Pourquoi pas ? » Pour plein de raisons, et tu le sais. Il pourrait probablement t’en citer au moins trois en moins de vingt secondes, là, tout de suite. « Il y a encore bien des choses que nous ignorons sur les titans … peut-être une espèce de déviant dont on n’avait pas connaissance ? » Tu orientes, encore, toujours. Tu fais l’ignorante, tu caches tes certitudes derrière des hypothèses que tu émets comme ça, sur le tas.

Il s’est approché de toi. Tu lèves les yeux. Capte son sérieux, autant dans son regard que dans ses mots. Tu es satisfaite, maintenant, parce qu’il te prend au sérieux. Ton grade doit aider, mais tu te fiches de ses raisons, tu as besoin d’alliés et s’il n’y avait que toi, plus de monde au Bataillon d’Exploration serait au courant, pour les Titans Humains. Seulement voilà, tu as des ordres, toi aussi. Tu dois te plier à ton Roi. Alors tu hoches la tête. « Vous pensez qu’un être humain est à l’origine de ça … ? » Il était question d’un Titan, oui. Mais un Titan n’avait pas pu atteindre Karanes seul, tu supposais que c’était là que voulait en venir le Caporal. Il n’avait pas tort, mais il faisait un peu fausse route, enfin en partie. Cependant, étant donné que tu devais conserver tes secrets, tu ne pouvais pas l’orienter dans une autre direction. Celle qu’il semblait prendre suffirait amplement. « Si je suis votre raisonnement, il va falloir rester discret. Etant donné que vous étiez avec moi, et moi avec vous, chacun de nous ne peut compter que sur l’autre. Le reste des personnes se trouvant actuellement dans ce district sont des suspects potentiels. » Tu parles tout bas, tu t’es même approché un peu, pour qu’il t’entende mieux. « On devrait essayer de faire le tour, pour voir si l’on peut repérer quelqu’un de suspect, quelqu’un qui cherche à fuir l’endroit … Votre avis ? »

Tu hoches la tête. Tu ne peux pas faire grand-chose, lui non plus d’ailleurs à ce stade des choses mais au moins, tu peux essayer de faire de ton mieux, et au moins donner l’illusion de faire ton maximum. Il y a des choses dans cette affaire qui retomberont forcément sur le dos du Bataillon d’Exploration, quand bien même surveiller les districts n’est pas votre travail … il s’agit de Karanes. Le Quartier Général de cette armée que tu diriges. Le gros des troupes est en mission, il s’agit d’un Titan, beaucoup l’ont sans doute vu très clairement. Du coup, il y aura des rumeurs, des accusations. Tu dois montrer que tu es là, et que tu travailles, que tu œuvres pour la population de Karanes. Au moins ça.

« Essayons de ne pas montrer que l’on cherche quelqu’un … » Si vous vous mettiez à arrêter tout le monde ou a observer les gens avec trop d’insistance, ça ne pourrait que faire fuir celui ou celle que vous étiez en train de rechercher. En réalité, tu doutais fortement que cet individu soit encore dans les parages, si tu avais été responsable d’une telle chose, tu te serais fondue dans la foule pour fuir immédiatement à sa place.

Tu te mets à avancer, ton regard se balade un peu partout de façon aussi discrète que possible. Tu aides une vieille dame à se redresser, tu lui indiques en endroit où se reposer, avant de regarder la tête d’un enfant et de l’envoyer dans la même direction. Tu as beau scruter les visages, tu ne vois aucun signe de métamorphose récente, chez personne. « Le briefing de mission parlait bien de personnes vêtues entièrement de noir, lors de l’incident d’Odelia, non ? » C’était un début de piste. Peut-être qu’effectivement, il s’agissait des même responsables, dans ce cas, ce serait un indice de plus pour dénicher un potentiel coupable. « Si je leur mets la main dessus … je les dégomme. » Bon. D’accord.

« Ce serait plutôt logique en effet … » A condition qu’il s’agisse effectivement des mêmes personnes, et là-dessus, au fond, tu avais tout de même un sacré doute. Ça manquait de logique quand on voyait l’étendue des dégâts ici, pourquoi avoir utiliser des explosifs pour atteindre le mur d’Odelia alors que selon toi, le Titan qui était apparu ici avait largement la force de provoquer des dégâts sur le mur du district. Rha. Tu enrages de ne pouvoir rien faire de plus. Tu sais, en plus que si ce Titan venait à réapparaître, tu ne pourrais rien faire. Tu n’étais pas autorisée à prendre la forme de ton Titan. Si tu devais te battre, il faudrait que tu le fasses à l’échelle humaine et franchement, avec ce que tu avais sous les yeux, tu avais de sérieux doutes sur l’efficacité des méthodes de combat humaines.

Tu hausses un sourcil, un sourire discret vient prendre la place à la commissure de tes lèvres. « Vous êtes … surprenant, Caporal. » Un soupire, tu finis par t’arrêter, par prendre appui sur ce qui reste d’une charrette dont la marchandise s’est étalée sur le sol. « Je ne vous pensez pas du genre violent. C’est bon à savoir. » Tu te mets à faire craquer quelques-unes de tes phalanges. « M’enfin, je doute très honnêtement que nous parvenions à mettre la main sur le responsable de ce carnage … mais hors de question de rentrer avant ce soir, au moins. Je ne veux prendre aucun risque. »

Tu hausses les épaules, peut-être es-tu légèrement déçue. Mais juste légèrement. Il y a des personnalités que tu apprécies plus que d’autres, certaines qui au contraire, ont tendance à t’agacer plus que d’autres, aussi. Tu n’arrives pas encore à situer le Caporal, le fait est que tu as cette tendance à te méfier des gradés qui étaient déjà en place avant que tu ne deviennes Major. C’est-à-dire … la plupart d’entre eux. Tu en étais encore à tester, chacun d’entre eux, de façon individuelle au cours de discussions, ou simplement en les observant à travers leurs actes. Tu avais besoin d’hommes et de femmes qui étaient prêts à te suivre aveuglément, sans contester tes décisions, sans poser de questions. C’était ça, le rôle et surtout, toute la difficulté de la place d’un Major au sein de ce Bataillon.

« Ça fait encore des dizaines de morts … et une bonne centaine de blessés. » Tu ne te sentais pas mal au milieu des cadavres, par habitude, surtout. Des morts, des corps, tu en avais déjà vu, beaucoup, et dans des états bien pire que ceux qui se trouvaient ici, tout juste transpercés, dans le pire des cas. Il y avait pas mal de sang sur les pavés, mais ça non plus ça ne t’écœurait plus. « Et si je vous disais que je suis persuadée que le responsable de tout ça a été fait par un être humain, et non un titan comme vous en croisez à l’extérieur ? Vous réussiriez à le croire ou à concevoir ? »

Bon d’accord, tu ne t’attendais pas vraiment à une question en retour. Quoi que … cela voulait surement dire que tu éveillais sa curiosité et c’était ce que tu voulais. Le truc, c’est que même si tu avais cette volonté de transmettre un peu de ton savoir, parce que tu jugeais, toi, qu’il le fallait, au moins un minimum, tu ne pouvais tout de même pas te résoudre à aller trop loin et à trahir Rohan et les autres. Tu avais promis. Juré. Tu soupires lourdement. Tu te sentais bloquée, coincée entre ton allégeance pour le Roi, tes promesses, la sécurité de certaines personnes et le devoir que tu avais envers le Bataillon, ton Bataillon. En ne disant rien, en gardant tes secrets, tu savais que tu mettais la vie de bien des soldats en danger. L’ignorance était un danger sur le terrain, c’était un fait. Le jour où l’un de ces titans ferait son apparition en mission… ce serait un véritable carnage et tu ne pourrais probablement rien faire pour l’éviter. Il serait trop tard.

« Il y a deux murs à traverser … comment un titan aurait pu parvenir seul à Karanes ? Même un déviant. Il aurait croisé la route de trop d’êtres humains, on l’aurait su avant. » Tu essaies de donner un raisonnement logique à tes paroles, comme si tu y avais mûrement réfléchi alors qu’en réalité, tes paroles venaient en allant, sans que tu n’y réfléchisses réellement. « Il est apparu, comme ça. Ici. Et puis … regardez-moi ces trucs. » Encore une fois, tu viens attraper l’une des lances plantées dans le sol. Tu te brûles la main et tu grimaces en la jetant aux pieds du Caporal. « Vous avez déjà vu un titan qui tue avec ce genre de chose sans dévorer personne ? »