Te retrouver en tête à tête avec tes amis après ton pétage de plomb avait quelque peu apaiser ton cœur et ton esprit. Rien de bien fou en soi, rien d’extraordinaire. Mais sur l’instant, tu avais eu l’impression de revenir quelques années plus tôt, lorsque rien ne pouvait vous atteindre, lorsque la fougue de votre jeunesse était tout ce qui comptait. Tout ce qui vous alimentait.

Mais bien vite, les effets s’étaient estompés. Tu allais bientôt retourner à Stohess, d’ici la fin de semaine prochaine. Après plus d’un mois loin de chez toi, tu n’étais pas si pressé que ça d’y retourner. Pour autant, rester ici ne te convenait pas plus. Tu n’étais pas le bienvenu au sein des murs du QG du bataillon – et ça ne t’étonnais pas – et tu n’allais pas t’incruster chez Ian ou retourner chez Karhlya. Quant à Stohess, personne ne t’attendait là-bas. Tu t’étais isolé tout seul dans ton évolution de carrière, dans tes choix. Pour impressionner un paternel qui se serait, de toute manière, complètement fichu de ce que tu étais devenu. Au mieux, il aurait été encore plus détestable en jalousant la position que tu aurais obtenue. Au bataillon, tu aurais peut-être risqué ta vie tous les jours, mais tu aurais au moins pu être utile. Servir à quelque chose.

Et puis, ce toi ne te plaisait pas. Depuis les événements d’Odelia, tu n’étais plus toi-même. Tu manquais de panache. Tu manquais de sourire, d’actions. Et ça te pesait. Tu ne comprenais pas ce qui se passait. Et ça aussi, ça avait tendance à te rendre dingue.

Et puis, en retournant vers le QG après un tour en ville, ton regard se posa sur la taverne.
Un instant, l’idée de te souler comme un ivrogne passa dans ton esprit. Ça ne résoudrait rien, tu le savais. Mais ponctuellement, ça pourrait t’apaiser. Te faire oublier. Alors tu poussas la porte et tu t’installas dans un coin. Tu commandas un café et de quoi manger. Puis l’agitation se fit. Les installations, les présentations.
Tu n’avais jamais mis les pieds dans un cabaret. Ou dans un bordel. Ça ne te serait jamais venu à l’esprit au fond. Tu n’y voyais pas grand intérêt. Mais puisque tu étais là, tu pouvais bien profiter du spectacle. Ça allait t’occuper.

Une fois la jeune femme ayant terminé son speech, tu hélas une serveuse pour lui demander un nouveau café. Tu n’avais pas passé le pas de l’alcool. Tu avais bien trop de souvenir de ton père en tête. Bien trop de souvenir qui ne te faisaient qu’accentuer ton mal-être.

Finalement, cette soirée n’allait pas être plus mal.