Les minutes passent. Elles s’écoulent si lentement … Les visages défilent devant tes yeux. Des expressions apeurées, terrifiées. Des yeux en pleurs. La mort est là, tu la vois, présente tout autour de toi, tout autour d’eux. Comme à chaque fois, tout comme à chaque mission. Le sang. Les cris. L’odeur si caractéristique de la chair brulée. Au fond, ce que tu fais là, c’est bien. Tu contribues à ton souhait le plus cher, tu sauves l’humanité. Une infime partie de l’humanité. De précieuses vies que tu mets en sécurité, que tu fais en sorte d’épargner. On pourra encore te dire demain, que tu t’es bien battu et que tu as fais du bon travail. Et tu accepteras, parce que tu es un bon soldat. Un soldat obéissant qui a parfaitement compris que pour survivre, il fallait se plier, accepter, capituler, parfois. Et c’est encore ce que tu as fait, aujourd’hui. Pourtant … alors qu’une nouvelle fois, tu tournes la tête, alors que tu observes ce titan qui devient fou et qui s’agite, ce géant qui détruit, qui frappe l’air et tout ce qui l’entoure, tu sers les poings et tu maudis ta condition. Brave petit soldat. A quoi sers-tu réellement, si tu n’es pas capable de faire le choix de sauver ceux que tu as décidé, toi, de sauver ?

Tu sens qu’on tire sur une sangle de ta cuisse. Tu baisses les yeux sur cette petite fille au regard humide et … et tu lui souris. Tu poses une main sur sa tête, avant de la prendre dans tes bras et tu la déposes avec les derniers civils, juste la ruelle. Tu as des ordres, tu en as encore. Partir, évacuer sans se retourner. Sauf que ça, c’est hors de question. Tu as décidé que tu ne le ferais pas. Tu pousses la petite dans le dos, pour qu’elle avance, tu l’observes s’éloigner avant de te retourner. Tu marches lentement vers la place et puis tu ressors tes lames et tu t’avances vers le titan. Tu ne sais même pas où est Alec, tu ne le vois pas. « Hé, toi là-haut. Viens t’attaquer à quelqu’un de ta taille. » … Il fait cinq fois ta taille. Mais on s’en fou. Tu lances enfin tes crochets, droit dans ses jambes, et tu passes entre tandis que tes lames sectionnent quelques tendons. Pas suffisant. Tu y retournes. Nouveau passage. Et puis tu changes de tactique et tu fonces droit vers son visage. Tu manques un œil, mais tu parviens à percer le second … avant de prendre un coup. Il en a marre cette fois. Tout ce qu’il veut, c’est la foule qui s’enfuit près du mur et tu le retardes. Alors il frappe. Partout. Dans tous les sens. Et fatalement, il finit par toucher tes câbles, te projetant au sol. Seconde chute de la soirée. Elle fait mal, mais tu te redresses, et tu ramènes tes câbles. L’un de tes crochets est abîmé, si bien que lorsque tu les plantes dans un mur pour rejoindre un toit face au titan, il se décroche et tu manques ton atterrissage, glissant sur les tuiles. « Du grand art. » Tu marmonnes. Pour toi-même. Il approche sa main, il essaie de t’attraper et tu viens trancher ses doigts. Ta lame cède, maintenant. « Combien de temps t’as perdu, là, hein mon gros ? Trop je pense. T’auras pas plus à bouffer que moi, je te le garantis. » Tu te laisses tomber du toit, en chute libre, tu te sers de ton dernier crochet pour te propulser dans le bâtiment et là, tu en profites pour souffler un instant, pour échanger tes lames aussi.

D'un grand sourire émerveillé mais

éphémère

Tu t’appuie contre un bureau, les lames cassées laissent place à des lames neuves et tu essaies même de bidouiller un peu le crochet pour le faire tenir, en vain. Dehors, t’as bien remarqué que le titan s’est détourné de toi, il n’a même pas tenté d’essayer de t’attraper ou de frapper le bâtiment et tu saisis rapidement qu’Alec est toujours dehors. D’ailleurs, moins de deux minutes plus tard le voilà qui se perche sur le rebord de la fenêtre que tu viens de traverser. Il s’adresse à toi, tout en gardant l’œil sur le titan qui cherche l’un de vous deux. Il est sans doute en colère. Son ton est sec, presque glacial. Mais tu fais l’impasse. « Je te désobéis. » … Insubordination. Tu vas vraiment au bout des choses aujourd’hui, dis-moi. Tu fronces les sourcils. De toutes façons, c’était prévisible. Ce n’est pas dans ton caractère d’abandonner quelqu’un à qui tu tiens, comme ça, juste parce qu’on te l’ordonne. Il y a des choses qui passent avant le reste. Il en fait partie. Tu soupires, en t’approchant de la fenêtre pour observer le titan. « Ils sont tous en sécurité. Sur ce point, je t’ai obéis. » Ça n’excuse rien, et ça tu le sais. Mais c’est comme ça … tu es là, maintenant.

Tu prends finalement le temps de l’observer. Comme prévu, il a pris des coups et ça se voit au premier coup d’œil. Il est même possiblement blessé. « Il t’as pas loupé, à ce que je vois. » Toi non plus, tu me diras. Mais ça, c’était plutôt prévisible, en fin de compte. Tu penches un peu, histoire d’avoir une vue s’ensemble de la bestiole. « Tu te sentirais d’attaque pour l’abattre ? » C’est faisable. Il est de dos. Si tu vas en face et que tu gardes son attention focalisée sur toi, Alec peut trancher la nuque à découvert sans problème. « Mes crochets ne tiendront pas. Je vais en face, tu l’agrippes et tu tranches. » Tu hausses les épaules. Ça te paraissait plutôt simple, au final. Même si ces titans étaient imprévisibles, là, tu ne voyais pas comment ça pourrait mal se passer. « Enfin si t’es d’accord, après tout, c’est toi qui donnes les ordres ici. » … C’est ça, Karhlya, continue de chercher la petite bête tiens.

Oh, tu te doutes bien qu’il ne perdra pas l’occasion de dire ce qu’il pense de ton comportement. Tu vois. Tu l’entends. Et tu le sens. Cependant, c’est pas le moment, au moins un point sur lequel vous semblez d’accord tous les deux. Tu ne relèves rien. Tu gardes le silence pour cette fois et tu attends qu’il soit prêt avant de t’élancer en avant. Tu sautes de la fenêtre pour rejoindre le toit d’en face, passant par-dessus l’épaule du titan, tu lui accordes un coup de lame sur la joue avant de te poser juste sous son nez. C’est ça. Qu’il te regarde. Tu as le temps de reculer de quelques pas … et il s’effondre devant toi. Facile. Tu souffles. Maintenant c’est fini. D’ailleurs, Alec ne tarde pas à te rejoindre et une nouvelle fois, tu ne réponds que d’un signe de la tête avant de t’élancer en direction du mur sur lequel tu montes en utilisant le crochet qu’il te reste et ce qui reste de gaz dans tes bouteilles. Cette fois … t’es à sec, et donc parfaitement inutile. Cette fois, pour toi, c’est terminé le champ de bataille.

Tu fais quelques pas, titubant le long du rail servant à déplacer les canons. Et puis, après quelques minutes, tu te laisses tomber, le dos contre une caisse d’équipement. T’es à bout de forces mais au moins t’es vivante, et lui aussi. « Aller. Vas-y, dis-le maintenant. T’as le droit de me passer un savon … je m’en fou, au moins, ça veut dire que t’es toujours là. »

Tu souris. C’est bizarre, comme réaction hein ? Il t’expose sa façon de pensée et tu peux la comprendre, mais tu n’as pas la même. Ce n’est pas comme ça que tu fonctionnes et tu as tes raisons pour ça. Tout ce qu’il te dit, là maintenant, tu le sais déjà. Tu ne doutes pas de lui. Tu ne doutes pas de sa force, de ses capacités. Tu n’as jamais douté. « Je n’ai jamais pensé une seconde que tu étais inutile, Alec … » Bien au contraire. Il avait su rester si calme. A sa façon à lui, il avait été héroïque. Ce soir, il avait sauvé de nombreuses vies. Chacun son travail, c’était un fait, mais encore une fois, toi, tu ne doutais pas une seconde de la capacité qu’il avait à se servir d’un équipement, ou à abattre un titan. Le problème n’était pas là.

Tu te redresses. Tu grimaces. Ton corps entier, ou presque te fais souffrir. Tu fais quelques pas, tu t’éloignes, mais finalement tu t’arrêtes à nouveau, observant le district d’Odelia qui bientôt, appartiendra aux titans. « Tu aurais très probablement pu rentrer. Tu aurais peut-être même pu l’abattre sans moi. Et je le pense sincèrement. » Un soupire s’échappe de tes lèvres. Tu passes la main sur ton front pour dégager une mèche de tes cheveux prisonnière du sang séché. « Mais c’était pas sûr à cent pour cent. Tu aurais aussi pu te faire tuer. Et le problème il est là … j’ai vu assez d’hommes mourir à cause de ces choses. Ma mémoire est pleine de corps écrasés, déchiquetés. De sang. De regards vides. Jamais je n’aurais pris le risque que tu fasses partie de ces souvenirs. Jamais. » Les choses sont différentes pour vous deux. Votre vision des choses sera probablement toujours différente sur ce point en tout cas. C’est comme ça. La mort, c’est ton quotidien alors tu veux au moins avoir le droit d’empêcher tes proches de mourir, pas comme ça.

Tu te remets à marcher. Tu t’éloignes. « Aller, on rentre maintenant. J’ai même pas eu mes brochettes. »

ÉVÉNEMENT I - festival de la nouvelle année.

ft. Tout le monde

Le bruit autour de lui est comme étouffé, et Garviel se traine quelques instants, cherchant à reprendre possession de ses moyens. Il sait qu’il ne dispose que de peu de temps avant qu’il ne se fasse ramasser par un titan, et dévorer. Mais le choc a été trop violent, et il n’arrive pas encore à se remettre debout. Après quelques instants, c’est finalement une aide extérieure qui vient le tirer de ce mauvais pas. Il ne comprend pas tout de suite qu’il s’agit d’un de ses caporaux, Hogden. Le lieutenant est soulagé de voir que sa chute n’est pas passée inaperçue. Sur le moment, il ne râle même pas alors qu’il se fait balader comme un sac à patates jusqu’en haut des murs, et déposer au sol … de manière encore pire. Il adresse un signe de remerciement à Kelsier avant que ce dernier ne reparte. Quelques hommes de la Garnison viennent ensuite lui prêter main forte. Il fait quelques pas avec eux en attendant de récupérer. La douleur se fait sentir sur son flanc, mais elle semble lointaine, alors n’est-elle pas importante. Une fois que Garviel se sent mieux, il laisse ses camarades continuer leur chemin de leur côté, quand à lui, il utilise son dernier câble pour repartir dans le district. Il passe de longues minutes à guider les gens pour les faire évacuer. Il croise quelques soldats avec qui il se coordonne. L’absence de titans est une bonne chose, peut être que l’arrière garde se débrouille mieux qu’il ne l’aurait cru. A moins qu’il y ait d’autres cibles plus juteuses ailleurs. Il n’a d’ailleurs pas le temps de finir de penser à ça, que des pas lourds retentissent non loin. Les gens commencent à paniquer, ils ne pourront plus aller très loin. Garviel avise alors les soldats avec lui. « Portez un maximum de civils sur les murs ! C’est notre dernière chance ! » Aucun titan n’étant assez grand pour atteindre le haut des murs, il s’agit donc de l’endroit le plus sûr. Mais monter une telle distance avec une personne en plus consomme beaucoup de gaz, et lui-même n’en possède plus beaucoup. D’autant plus qu’il ne possède plus qu’un seul câble. Ils n’auront pas le temps d’évacuer tout le monde, c’est aussi simple que ça. Ils s’emparent des enfants en priorité, et redescendent le plus de fois possible, avant de tomber à court de gaz les uns après les autres tandis que deux titans font leur apparition. Une bonne dizaine de civils sont encore en bas, mais plus personne ne peut rien pour eux. Ils crient, ils hurlent, ils meurent. Garviel se détourne et guide son groupe vers le point d’évacuation. Plusieurs heures plus tard, il prend la direction du district de Chlorba avec un groupe de réfugiés y ayant de la famille.

D'un grand sourire émerveillé mais

éphémère